Interview Contech Connect — Et si le BTP arrêtait de perdre du temps avec Word ?

En une phrase, quelle révolution ta startup apporte-t-elle au secteur de la construction ?

"On ne révolutionne pas la construction, on libère ceux qui construisent des documents.”

Notre mission chez there est simple : transformer le traitement de texte par l’IA pour partager des documents facile à lire ou écouter que les pro puissent se concentrer sur le métier. Tout le monde utilise Word, mais tout le monde y perd un temps fou - insérer une image décale tout, la numérotation est chaotique, la mise en page frustrante. On est là pour changer ça.

Après plus de 10 ans à digitaliser des processus métiers pour la construction, j’ai réalisé qu’il y avait plus papier aujourd’hui qu’avant.

Quel a été le déclic qui t'a poussé à créer ta solution tech pour un secteur aussi traditionnel ?

C’est ce paradoxe qui m’a frappé après Finalcad. Nous avons constaté que malgré toutes les app spécialisées, les pro retournaient à Word et Excel par besoin de liberté. Notre approche avec there est donc humble, n’essayons pas de révolutionner leurs méthodes de travail, mais de les aider à faire comme avant, juste mieux et plus vite, en démocratisant l’usage de l’IA.

Si tu devais identifier le frein n°1 à l'innovation dans la construction, quel serait-il ?

Le frein n°1 ? le manque d’entrepreneur tech qui s’intéresse vraiment à la construction.

La construction souffre d’une pénurie de startups qui comprennent réellement ses spécificités. La plupart des entrepreneurs tech s’attaquent à des secteurs avec des organisations plus centralisées, alors que la construction fonctionne en écosystème complexe d’entreprises interdépendantes. Résultat : les logiciels sont trop rigides et ne respectent pas la nature profondément contextuelle et imprévisible du chantier. Il nous faut plus de fondateurs qui mettent des bottes et un casque pour comprendre avant de coder.

Comment as-tu réussi à convaincre tes premiers clients traditionnels d'adopter ta solution ?

En leur montrant qu’ou pouvait faire en 10 minutes ce qui leur prenait 2h, sans leur demander de changer leurs habitudes.

En 3 points :

1. En leur faisant prendre conscience des problèmes de Word, qu'ils ont tous les jours mais considèrent comme inévitables

2. En leur montrant la façon dont there.do fait de meilleurs documents, 2 à 10x plus vite

3. En leur proposant un modèle sans risque, en démarrant gratuitement, et en passant à un abonnement sans limites quand la valeur est évidente

Quelle est ta stratégie pour naviguer entre l'agilité d'une startup et les processus parfois lents des grands groupes de construction ?

Je ne vois pas de grande groupes, mais des constellations de PME autonomes qui peuvent décider vite quand on parle aux bonnes personnes.

On adresse les Business Unit opérationnelles qui ont une véritable autonomie. On créer des champions locaux qui deviennent des ambassadeurs internes. Notre produit est conçu pour être adopté par un individu, puis se propager naturellement à une équipe.

Comment intègres-tu concrètement les enjeux de durabilité dans ton produit/service ?

La vraie durabilité dans la construction ne vient pas des labels, mais de la réductions des erreurs et du gaspillage causés par une mauvaise communication.

Chez there, nous n’avons pas une fonctionnalité “développement durable”, nous l’avons intégrée dans notre ADN, en permettant une communication claire et contextualisée, nous réduisons le rework et les erreurs d’interprétation. Les utilisateurs qui rédigent ou lisent des documents there, prennent de meilleurs décisions plus rapidement, ce qui permet de “faire bon du premier coup”, la forme ultime de durabilité.

Quel est le cas d'usage d'IA le plus prometteur que tu vois émerger dans la construction ?

Verba manent, machina scribit - les paroles restent, les machines les écrivent. C'est la fin de l'arbitrage entre être sur le terrain ou au bureau.

C’est une transformation déjà en cours, imaginez un conducteur de travaux qui dicte ses observations pendant que l’IA transcrit, structure, illustre avec les photos prises, met en page un document en actions assignées avec échéance. C’est la fin de l’arbitrage entre être sur le terrain ou faire de l’administratif. Ces agents IA élimine des tâches administratives pour recentrer les pros sur leur expertise.

Quand un grand groupe te dit "reviens dans 6 mois", quelle est ta réponse ?

D'accord, mais pendant ces 6 mois, laissez vos équipes terrain l'utiliser gratuitement et mesurons ensemble la valeur créée.

Je leur demande précisément ce qu’ils attendent comme évolution d’ici là, et je propose de continuer le déploiement auprès des utilisateurs pour collecter des métriques concrètes. On transforme l’attente en preuve de valeur.

Quel conseil donnerais-tu à un entrepreneur qui veut se lancer dans la Contech aujourd'hui ?

Va passer 100 jours sur le terrain avant d’écrire une ligne de code. Ta solution ne naitra pas d’un incubateur, mais dans la boue d’un chantier à 7h du mat.

Je recommande 3 actions

• multiplier les échanges avec une grande diversité de métiers ancrés dans les territoires, quelle que soit ton expérience préalable.

• ensuite, faire challenger ton produit, non seulement en France, mais aussi à l’international comme aux US où l’exigence pousse à l’excellence.

• Enfin, dialoguer avec l’écosystème Contech existant pour mieux comprendre les positionnement de chacun

La construction ne se réinvente pas depuis un macbook dans un café parisien.

En 2030, quel aspect de la construction aura été complètement transformé par la technologie selon toi ?

La communication inter-entreprises - En 2030, l’information circulera sans les barrages artificiels actuels entre les acteurs d’un projet.

Cette transformation sera profonde mais subtile, ça se fera grâce à des techno qui respectent l'autonomie de chacun tout en assurant la cohérence globale de chaque contrat.

Le chantier ou le bureau : où se joue selon toi la vraie transformation numérique du secteur ?

Ni l’un ni l’autre séparément. La vraie transformation numérique est à l’interface entre le chantier et le bureau, pour faire circuler l’information sans friction.

On doit créer un atelier de travail numérique, où chaque outil est à la bonne place, facile à utiliser. Tout comme le menuisier ou le plombier qui choisit méticuleusement ses outils au fil des ans pour être plus efficace.

Si tu pouvais changer une seule chose dans la façon dont les grands groupes abordent l'innovation, que serait-ce ?

Stop à l’innovation-théâtre. Moins de POC, plus d’adoption réelle et de soutien concret aux startups françaises.

J’aimerais que les grands groupes arrêtent de multiplier les “preuves de concept” sans lendemain et les initiatives d’affichage, pour passer à l’action concrète plus rapidement. Le vrai indicateur de succès n’est pas le nombre de startups rencontrées, mais le nombre de solutions effectivement déployées à grande échelle. Soutenons l’écosytème tech français non pas par des concours et des prix, mais par des contrats commerciaux significatifs et des partenariats durable qui permettent aux startup de croître et de se déployer internationalement.